Collection d'Arnell-Andréa - "Tristesse Des Mânes"
France - 2002 - Prikosnovénie - 58'31
1. Aux Glycines Défuntes - 4'56
2. Là, Ici Ou Ailleurs - 3'30
3. Au Sacre Des Nuits - 4'55
4. Kergal - 4'00
5. Le Parc Enneigé - 4'04
6. Les Chants De Peine - 4'13
7. Loire Et Léthé - 4'33
8. Les Temples Elevés - 2'57
9. L'Ombre Tilleul - 4'54
10. Aux Cordes Eternelles - 4'34
11. Un Automne Restant - 3'13
12. Un Parc, Une Tonnelle - 3'23
13. La Source Du Jour - 4'50
14. La Tristesse Des Mânes - 4'29

Line-up :
Chloé St Liphard : vocals
Franz Torres-Quevedo : vocals
Thibaut d'Aboville : violin
Carine Grieg : vocals & piano
Jean-Christophe d'Arnell : piano
Xavier Gaschignard : cello

Avant que vous perdiez votre temps je précise que la présente chronique s'adresse exclusivement aux plus larges d'esprit, ou plus justement à ceux d'entre vous qui mènent de front leur passion pour le metal avec une ouverture vers les courants ensommeillés de la chanson française de goût et de caractère. Ce que j'entends par-là c'est que le vénérable Jean-Christophe d'Arnell et son ensemble appartiennent, au même titre que des artistes autodidactes comme Yann Tiersen ou Mathieu Boogert, à une poche de résistance : celle qui refuse d'abandonner du terrain au gueules avides et fricophages des fossoyeurs du patrimoine musical francophone. Là où les Florent Pagny, Lara Fabian, Garou et consort polluent les cerveaux comme les charognes répugnantes qu'ils sont (que fait la justice ?!?), d'Arnell nettoie, désinfecte et réhabilite l'honneur souillé de la chanson et du texte, la grâce simple et incomparable d'un instant vécu, pensé et respiré en musique. Recueil de madrigaux essentiellement nostalgiques, "Tristesse Des Mânes" s'invite doucement dans une pièce acoustiquement close comme une brise nocturne se glisse dans le corsage trop lâche d'une princesse blanche - je me sens pousser des ailes de Michelland moi, tiens… Portées par la draperie légère et discrète tissée par le piano, le violon ou le violoncelle, les ellipses verbales exactes et imagées déclamées par la voix olympienne de Chloé St Liphard épousent les tons du tableau vivant fixé sur le papier par son pygmalion. Sans doute influencé - tout au moins marqué - par les grands chansonniers anglais de la Renaissance tels Dowland ou Purcell, d'Arnell est maître dans l'art de jouer sur la fibre monophonique pour bâtir une âme à ses morceaux. Le chant devient alors l'instrument primordial et, tour à tour allègre, solennel ou frissonnant, accoste avec bonheur chacun des rivages de son registre, parvenant à instiller ce souffle humain et émotionnel dont la musique a besoin pour qu'on lui reconnaisse l'éclat à la mesure de son irrécusable dimension classique. Si le camp instrumental demeure donc la plupart du temps en retrait, il n'en reste pas moins substantiel de par la présence de musiciens chevronnés. Les subtiles variations au piano contrebalancent la souveraineté du chant par leur indépendance mélodique tandis que les deux champions de l'archet usent avec parcimonie de l'effet amer et empoignant qui caractérise leurs mouvements, le violon venant même parfois gonfler par hoquets rapides un écho dramatique graduel. Ainsi, celui qui misera trop sur le côté reposant, voire assoupi de l'ensemble sera bien inspiré de ne pas trop baisser sa garde de crainte d'être happé par les lames d'angoisse insidieuses tapies ici et là qui justifient de l'appartenance cyclique de COLLECTION D'ARNELL-ANDREA à un collège artistique tourné vers le Mystique et le Grotesque, et dont les représentations visuelles sont le cinéma onirique de Jean Cocteau ou les visions surréalistes de peintres comme Dali ou René Magritte. En attendant, il convient de considérer ces "Tristesses Des Mânes" comme l'un des plus éminents alliages modernes de poésie et de musique. Magnifié par un somptueux digipack orné d'une huile de Nicolas Méchériki ("Loire", 1988), ce CD ne laisse aucun désir insatisfait - excepté peut-être un petit morceau de Black Metal brutal par-ci par-là, on ne se refait pas ! ;-))

Uriel : 90% (Avril 2002)



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