Crystalium - "De Aeternitate Commando"
France - 2002 - Oaken Shield - 48'20 |
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1.
La Valeur De La Haine
2. Je Suis Le Christ 3. Erep Erton - Seconde Nema 4. Ce Qu'il En Restera 5. Au Nom De La Rébellion 6. Lorsque L'Elite Sera Couronnée De Flammes 7. Zénith De La Transcendance Cérébrale 8. De Aeternitate Commando |
Line-up
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Jusqu'à présent c'est avec des groupes français qu'Oaken Shield a gagné sa palme de label révélateur de talents. Les Lyonnais de CRYSTALIUM perpétuent la tradition en se payant le luxe, au même titre que NEHËMAH et EIKENSKADEN, de se placer illico aux avant-postes de notre contingent Black Metallique. Connaissant leur affaire sur le bout de la lunule, ils ont le bon goût de ne pas s'en écarter et de se contenter de redresser à leur sauce les traits communs qui animent depuis maintenant une grosse décennie cette excroissance fourmillante du Metal extrême. On rentre dans un album comme "De Aeternitate Commando" comme on zappe soudainement sur la scène la plus sanglante d'un film de guerre, genre imaginez le carnage d'ouverture de "Il faut sauver le soldat Ryan" défilant avec du black impitoyable en toile de fond. Finalement ce parallèle un peu malséant n'est pas si loin que ça de l'impression générique que dégage cette musique, inflexible dès la première seconde, assujettissante par son inexorabilité et de bout en bout tendue comme un interminable échange de coups de feu sous un ciel d'acier zébré d'éclairs. C'est d'abord avec soulagement que j'ai découvert un travail de production hautement satisfaisant (signé Ludo Tournier) qui ne brasse pas les pistes en une mixture informe et déshumanisée. Etant donné que la batterie canarde à volonté avec une prédilection pour les salves nourries ultra-rapides, il est intéressant de savoir que chaque touché nous en parvient avec clarté et précision. Plus minces en comparaison sont les guitares et leur son aigre cuivré qui, un peu engoncé entre lesdites percussions et un bon chant rageur également très en évidence, se réduit souvent à un fil mélodique timide, mais constant et ô combien capital au bon équilibre de la musique. Pas question dès lors de s'arrêter sur la responsabilité de la basse, arlésienne de service sacrifiée comme la larme d'essence d'oranger dans la frangipane pour donner la consistance nécessaire à l'ensemble. Ah oui, vous avez bien lu "mélodique" dans les lignes qui précèdent, il ne s'agit pas d'une coquille ni d'une boutade. Les guitares de CRYSTALIUM me rappellent dans leur emploi - toutes proportions gardées - les leads flottants et profilés à la DARK FUNERAL destinés à tenir le rôle qu'occupent les claviers chez d'autres. Constamment en recherche de notes identifiables et d'enchaînements homogènes malgré la vitesse ambiante, ce sont d'ailleurs elles qui impriment en premier lieu les changements de tempo et provoquent lors de certaines accélérations violentes les seules grosses cassures harmoniques de l'album, laissant alors pour une ou deux secondes la batterie tâtonner pour combler le décalage rythmique creusé. Chaque morceau s'articule autour d'une poignée de thèmes complémentaires qui se passent efficacement le relais de façon à préparer au mieux les moments où l'intensité dramatique doit monter à son paroxysme, ces derniers étant d'ordinaire formés des riffs les plus charismatiques (exemples : decrescendo martial avec débit vocal bien cadencé pour "La Valeur De La Haine", aller-retour de manche sur fond d'accélération frénétique pour "Zénith De La Transcendance Cérébrale") et à l'occasion relevés de nappes de clavier discrètes ("Je Suis Le Christ"). Cette façon de composer sans se plier à des récurrences cycliques garantit à chaque écoute une redécouverte dynamique du morceau et prévient toute lassitude. CRYSTALIUM a d'ailleurs su en tirer le meilleur parti en confectionnant un nombre substantiel de riffs réellement magistraux et de parties hymniques qui devraient devenir des classiques de scène. Pour compléter le tout, quelques jets d'Ambient militariste et nihiliste sont disséminées en guise de transitions, et renforcent l'atmosphère grise et malveillante même si elles n'ont pas un poids très significatif dans la fonction artistique. Un fait d'armes intéressant à noter tout de même, et qui vaudra selon toute vraisemblance au groupe quelques sympathies bien gagnées, est cette "Marseillaise" sur fond de champ de bataille ("Ce Qu'il En Restera"). Brièvement, la thématique de l'album, entièrement écrite en Français, gravite autour de principes élitistes et de guerre terminale, et n'est pas franchement amène - c'est peu dire - envers les cultes religieux. CRYSTALIUM renouvellent néanmoins avec caractère cette approche conceptuelle par des textes capables, forts et délibérés, également soulignés dans le cadre visuel du livret par la mise en valeur d'instruments de destruction - même si la façon histrionique dont sont disposés les croquis de mitrailleuses gâche selon moi en partie l'esthétique générale, enfin bon... D'OSCULUM INFAME à SETH (période "Les Blessures De L'Âme" surtout) en passant par CELESTIA et maintenant CRYSTALIUM, la scène Black tricolore a toujours compté parmi les foyers les plus fertiles en indépendance et en liberté créatrice. Nul doute qu'on ne tient pas avec CRYSTALIUM le groupe qui va jouer les têtes d'affiche au Wacken aux côtés de l'écurie Nuclear Blast à grands renforts d'effets pyrotechniques, mais je ne pense pas vraiment qu'on doive s'en désoler ou y voir un quelconque aveu d'impuissance, bien au contraire ! Tant que des gens continueront à pratiquer ainsi leurs convictions à l'abri des moules uniformisants d'un tout-marketing factice, il n'y a pas de risque de voir disparaître ces corniches d'expressions multiples et heureusement hétéroclites auxquelles nous aimons nous raccrocher lorsque les tentacules sans cesse plus colossaux de la pensée unanimiste menacent de nous happer. Pour ça et (avant toute chose) pour leur musique excellente et appliquée, All Hails CRYSTALIUM ! Uriel : 80% (Août 2002) |