Enid - "Abschiedsreigen"
Germany - 2000 - CCP Records - 51'42
1. Erinnerungen - 7'12
2. Weg Der Weisung - 5'33
3. Reverie Of Youth In Spheres Of Dream - 7'31
4. Meer Der Einsamkeit - 7'39
5. Zug Der Vergessenen Reiter - 8'12
6. Bondage's Coronation - 6'11
7. Herbststurm - 3'55
8. Whispering Of Goodbye 5'29

Line-up :
Martin Wiese : vocals, keyboards & orchestral arrangements
Florian Dammasch : management
Additional Musicians :
Maria Dorn : vocals (session)
Moritz Neuner : drums (session)

Pas entamé par le mélange mitigé de succès d'estimes et de quolibets reçus après "Nachtgedanken", le dynamique duo refait surface à l'approche de Noël 2000 avec cet album qui narre en huit actes complémentaires le retour sur son existence d'un vieil homme sur son lit de mort, ses souvenirs, ses regrets, ses joies et ses peines… Un concept assez particulier donc qui ne va pas contribuer à doper l'accessibilité d'ENID. Qui plus est l'album sort de nouveau chez CCP Records alors que le conflit est ouvert entre le manager du groupe Florian Dammasch et les dirigeants de ce label. Il s'ensuit assez logiquement une promotion pas franchement soignée qui continue à masquer le groupe aux yeux d'un plus large public. Ce qui est regrettable en regard de la progression fulgurante qui fait de cet album un must pour tout partisan d'un metal libre de tout carcan stylistique et tourné vers des versants médiévaux voire romantiques, non pas dans le sens fleur bleue, mais par référence à cette sensibilité humaine exaltée et impulsive qui fouette la créativité et ouvre le robinet des élans lyriques les plus inattendus. L'unique compositeur et instrumentiste principal Martin Wiese a affiné de beaucoup sa perception du metal et son idée de ce comment doit sonner une telle musique. Facteur pas étranger du tout à l'excellente tenue de l'album, ENID s'est cette fois-ci donné les moyens de ses ambitions en s'adjoignant les services d'un batteur - et quel batteur : la pieuvre d'Innsbrück, Mister Magic Moritz Neuner (ex-DORNENREIGH, ABIGOR, GOLDEN DAWN, KOROVAKILL et j'en passe…). Chassé tout faux pas grossier dans la synchronisation, exit les parties creuses, naïves ou superflues, "Abschiedsreigen" se présente comme un petit monument de création forte et individuelle. L'entrée se fait en douceur avec une sérénade innocente au piano, puis le gouffre s'ouvre béant, sans transition aucune, sur un premier assaut qui fait briller ENID sous une lumière neuve : son de "guitares" percutant tout en gardant - en améliorant même - son sympathique parfum suranné, batterie millimétrique, vocaux Black matures et carrément enragés. Il plane sur la moindre accélération de ce "Abschiedsreigen" une saisissante atmosphère orageuse qui tranche avec le côté "bon enfant" de "Nachtgedanken". ENID n'en oublie pas cependant de ménager un dosage savant avec les parties orchestrales, elles aussi littéralement bétonnées et porteuses d'habiles effets dramaturgiques, en particulier sur plusieurs ouvertures où Martin fait étalage de la polyvalence de ses cordes vocales. Sur le morceau phare "Zug Der Vergessenen Reiter" où Martin est épaulé par la chanteuse Maria Dorn (VANITAS), il transforme le dialogue en véritable bataille organisée avec quatre lignes vocales (basse, ténor, alto, soprano) fuyant dans tous les sens comme des courbes de sondages Sofres… Du travail d'orfèvre parfois difficile à démêler, mais délicieusement envoûtant lorsqu'on se laisse ensevelir sous son épaisseur polyphonique. Le cachet ENID ressort en particulier dans de petits interludes de type musique de chambre aux sonorités plus ou moins alertes accompagnés des roulements de batterie de Moritz piaffant d'impatience en attente de déchaîner quelques blast-beats dans les secondes suivantes. Ceci m'avait fait avancer il y a deux ans que sans ces quelques passages "fluets" légèrement dérangeants "Abschiedsreigen" aurait eu le potentiel pour devenir un grand album de Sympho-Metal froid et mélancolique. Je le pense toujours mais j'ai appris, notamment en faisant personnellement connaissance avec Martin, à accepter les imprévisibles soubresauts et cabrioles fantaisistes de son esprit d'artiste. Il n'en reste pas moins, disséminés aux quatre coins des morceaux, quelques instants de pure chair de poule que peu de groupes se sont montrés capables d'atteindre. Avec le violent "Herbststurm" et sa fabuleuse accroche initiale ou bien le planant "Whispering Of Goodbye" où Martin se mue en crooner pour mieux tirer sur l'album un rideau de velours, ENID dévoile deux autres facettes contradictoires mais révélatrices de l'orientation polymorphe que le groupe est voué à adopter avec l'élargissement conséquent de l'horizon musical de Martin au gré de l'avancée de ses études, et surtout l'intégration d'un line-up consistant pour enfin enfermer définitivement ces guitares artificielles au cagibi des expérimentations de fortune. En attendant n'hésitez surtout pas à investir dans "Abschiedsreigen", un drôle d'électron libre en gravitation autour de la planète Metal et qui n'attend plus que l'adhésion d'un public qui ose, provoque, et aime les belles choses qui ne se fanent pas au bout d'une dizaine de tours dans une stéréo…

Uriel : 90% (Avril 2002)



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