In The Woods
- "HEart Of The Ages"
Norway - 1995 - Misanthropy Records - 59'07 |
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1.
Yearning The Seeds Of A New Dimension - 12'23
2. HEart Of The Ages - 8'22 3. In The Woods - 7'50 4. Mourning The Death Of Aase - 3'33 5. Wotan's Return - 14'52 6. Pigeon - 3'00 7. The Divinity Of Wisdom - 9'07 |
Line-up
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C'est sans doute un hasard malicieux qui a voulu ça, mais il se trouve que la pièce d'ouverture de cet album, "Yearning The Seeds Of A New Dimension", est vraisemblablement la meilleure entrée en matière qui soit pour faire connaissance avec l'univers tortueux et sombrement poétique de la troupe de Kristiansand. C'est tout d'abord un cortège de sons sidéraux et réverbérés que l'on croit tout droit échappés de Blade Runner ou de tout autre vision Dark-kitsch du genre. Plus de trois minutes de lourde incertitude bardée d'aigus inaccessibles en cascade, vous avouerez que l'initiative était déjà plutôt gonflée à une époque où le terme "avant-garde" n'avait pas encore droit de cité, et ou un label comme Misanthropy trônait au beau milieu d'une seconde vague Black Metal qui n'avait pas (encore) amorcé la phase descendante de son ellipse de plénitude. Puis l'ambiance s'adoucit et on accueille la véritable intro du morceau, une crème d'entame atmosphérique au synthé ponctué d'un tranquille filigrane de caisse claire. Un premier frisson et l'on sent déjà l'appel d'air qui nous aspire dans un univers de fjords bleu opale et de forêts encaissées dans des vallées de glace. IN THE WOODS jouent une musique où l'harmonie des rencontres tient un rôle dominant. Celle avec les hommes est un bonheur, le synthé se découvre pour laisser s'avancer une guitare aussi piquante que douce, quelqu'un lance sa voix, emplie de gravité et de respect, et chante avec ivresse la beauté de ce qui l'entoure, un éclat qui au seul profane apparaît comme assoupi sous des siècles de givre. Alors et alors seulement la Nature durcit ses traits, on accélère progressivement sans se détourner du fil thématique du morceau, d'ailleurs les vocaux restent un temps déclamés au lent débit d'origine. Une brèche, un silence pesant relevé par les appels étouffés d'une guitare solitaire, c'est certain le temps est à l'orage, celui qui ne tarde pas à exploser en gerbes de feu sous la férule d'un chant Black proprement possédé - à mettre en parallèle, pour donner un point d'ancrage, avec celui de Cornelius du groupe SOLEFALD. Le metal d'IN THE WOODS produit un effet de violence saisissant, mais violent il ne l'est pas intrinsèquement, car ni les tempos ni la densité riffique ne s'aventurent dans le champ du déraisonnable, ce qui permet de ne pas avoir l'impression de décrocher du morceau pour un délire ponctuel et excessif. Le chant clair refait une apparition remarquée dans la dernière minute. Plus emphatique et sûr de lui, il accompagne jusqu'au final calme et dépouillé. Le successeur "HEart Of The Ages" semble d'entrée d'une veine plus péchue, et au bout du compte amène la confirmation qu'IN THE WOODS ne se bornent certainement pas à des structures symétriques. Les morceaux semblent schizophréniques mais évoluent selon une logique implacable qui veut que les accélérations verticales prennent leur source dans le silence et la contemplation alors que les parties plus planantes et peu cadencées naissent du remous nerveux des guitares. Ceci a un nom Mesdames-Messieurs : la fluidité. " In The Woods", le pilier central de l'album, est symptomatique de ce refus de suivre une ligne totalitaire. Le riff post-ouverture détermine sans préavis la couleur amère et tendue du morceau, ne faisant que se consolider au fil des secondes jusqu'à la rupture abrupte qui ouvre sur la sauvagerie des hurlements. Curieusement cette partie très rugueuse est une des plus "entraînantes" de l'album rythmiquement parlant. Les cordes vibrent comme jamais, quoique droites et inflexibles dans les mélodies laconiques qui leur sont assignées. La partie Doom qui s'ensuit, aux vocaux clairs plus appuyés que de raison comme pour celer un trouble, n'est pas tant une accalmie que le contrecoup encore cruel de ce tonnerre, sa lourdeur mégalithique remémorant les guitares malades d'un BETHLEHEM sur "Dictius Te Necare". On passe au céleste "Mourning The Death Of Aase", un hommage au compositeur norvégien Edvard Grieg. Sans essayer d'émuler la musique de ce dernier, IN THE WOODS livrent leur interprétation honnête et émouvante d'une musique censée susciter le recueillement silencieux et le dépaysement. Encore une fois c'est une mise en route aux synthés presque spatiaux qui fixe une atmosphère de ralenti au-dessus d'un paysage apaisant, bientôt relayés par une batterie doucement métronomique, une guitare en pleurs dans un coin reculé, et la performance digne d'éloges de la vocaliste qui, de sa présence non envahissante et dans un récital sans paroles, injecte le kérosène nécessaire au décollage Elégiaque assurément. Vient "Wotan's Return", pour moi le chapitre le moins enthousiasmant de l'album, et malheureusement aussi le plus étendu (au-delà des 14'00). Beaucoup de cris et de dépense physique dans ce morceau épileptique qui fait honneur à la marque de fabrique maison, mais quelque part avec une réussite fuyante et une propension inhabituelle à générer l'ennui. Même l'obligatoire interlude atmosphérique est trop glauque et moins inspiré que de coutume, la bonne fortune ayant tout de même disséminé ça et là un ou deux solis bien "twistés" et un bon tempo binaire très écrasant doublé d'un piano étrange et taciturne à la sortie de cette même plage minimaliste. Il n'empêche, c'est quand même avec soulagement que l'on salue le passage de témoin à "Pigeon" qui, du haut de ses trois minutes, est un instrumental tout bonnement bouleversant, mêlant des arpèges de cristal au clavier à un langoureux thème au piano. Un choix recommandable pour des funérailles bien arrosées. Il ne reste pas à épiloguer sur la dernière chanson qui d'une certaine façon et malgré des vocaux décidément de plus en plus éprouvants préfigure de l'orientation froide, lyrique et sobre de l'album "Omnio". IN THE WOODS n'étant pas le genre de groupe à s'exposer démesurément, très peu d'informations ont jamais filtré jusqu'à moi sur ses membres, leur personnalité et la raison d'être de cette musique précieuse et unique. Toujours est-il que leur nom reste aujourd'hui plus que jamais le nec plus ultra pour tous ceux qui souhaitent intellectualiser leur consommation quotidienne de son. Un répertoire grandiose où chacun peut trouver matière à rapporter à ses considérations individuelles. Et ce n'est que le début Uriel : 85% (Juin 2002) |