In The Woods… - "Omnio"
Norway - 1997 - Misanthropy Records - 63'08
1. 299796 km/s - 14'46
2. I Am Your Flesh - 7'07
3. Kairos ! - 3'34
4. Weeping Willow - 11'39
5. Omnio ? -pre - 11'59
6. Omnio ? -bardo - 5'54
7. Omnio ? -post - 8'09

Line-up :
Jan Ovl : vocals
Synne D : vocals
X. Botteri : guitars & keyboards
Oddvar A:M : guitars
Bjørn Berserk Harstad : guitars
C.M. Botteri : bass & keyboards
A. Kobro : drums

Deux années sont passées, et un bon génie est venu frapper à la porte des frères Botteri, leur commandant de virer les vocaux extrêmes et de laisser libre cours à leurs aspirations refoulées d'artistes. Résultat, un des plus grands moments que nous ait offert la musique en cette fin de XXe siècle - un disque qui fut le premier à bouleverser profondément mes perceptions et mes attentes : auparavant j'appréciais les albums qui m'offraient des mélodies sympathiques, de l'ambition sonore et du caractère, à partir d'"Omnio" je vivrai la musique qui converse directement avec mon esprit sans se laisser décortiquer par la case oreilles. Non, plus jamais je ne me laisserai prendre à acheter un album sur lequel j'aurais "craqué" au stand d'écoute d'un Virgin, plus jamais je ne me fierai aveuglément aux louanges serviles et intéressées des "gros" magazines envers les groupes à image. On ne m'y reprendra plus à prendre une chronique de Fred Pichot au sérieux (arf…). C'en est fini des albums "cartons" consommés en deux écoutes, désormais le superficiel combinard m'afflige et l'opportunisme ciblé me dégoûte. "Omnio" m'a ouvert les yeux et, aussi vrai que les promesses de Chirac seront honteusement escamotées, ça ne m'a pas pris une éternité pour réaliser et fléchir devant le magnétisme compresseur d'IN THE WOODS… Les sens chavirent dès les prémisses de "299796 km/s" (la vitesse de la lumière pour ceux qui ont tapé un bac littéraire) avec ce violon en pleurs qui semble si vulnérable et égaré qu'on a envie de plonger dans la hi-fi pour aller le réconforter. Lorsque les guitares entrent en jeu c'est pour présenter un visage résolument sobre dont la légitimité ne prête aucune discussion. La musique est créative et moderne, c'est le moins que l'on puisse dire, pourtant elle se dépare de tout escarpement "psychédélico-progressif" comme le premier album aurait pu le laisser anticiper. Je n'ose trop parler de mélodies, plutôt de discours évolutif des guitares qui expriment une vision du monde à travers des lunettes noires. Leur jeu fait d'augustes entrelacs et de parallèles intimidantes impose le respect et traduit par-delà son pessimisme plus que de façade une beauté telle qu'on ne saurait interrompre une écoute quasi religieuse sans un sévère pincement au cœur. Le duo de voix masculines et féminines devient rapidement une institution pour ce qui est du convoyage des émotions, d'autant qu'elles se complètent à ravir (proche d'un jeune David Bowie pour l'un, authentique contralto évitant soigneusement d'en faire des tonnes pour l'autre). C'est ainsi que le choc a déjà porté lorsque cette première vague Metal s'arrête pour faire une haie d'honneur à une longue litanie guidée par un violon décidément au bord du spleen neurasthénique. Le texte sur la crise intérieure alors déclamé d'une voix volontairement vacillante a de quoi achever de foutre le cafard et nul doute que si le morceau s'arrêtait là le taux de suicide aurait grimpé en flèche du côté de Kristiansand aux alentours de Mai '97… Par bonheur la section Metal remet les gaz pour un enchaînement de séquences modérément longues mais toujours aussi austères et tourmentées où le chant atteint des sommets jusqu'à l'emballage final qui laisse le souffle coupé avec la conviction que l'on a affaire à quelque chose de très spécial et de forcément génial, sans encore bien cerner ce qu'il y a à aimer dans un tel labyrinthe de glace. Le reste de l'album ne fait que confirmer cet enchantement désenchanté, certaines fois de façon plus rentre-dedans ("I Am Your Flesh") ou faussement absente ("Kairos !" et ses vocaux tendres qui s'évaporent en volutes de néant). "Weeping Willow" la magnifique (ces paroles, mes aïeux…) et le légendaire triptyque de fin constituent le plat de résistance de l'album en ne cessant de jouer à cache-cache entre ombre et lumière, entre ce jeu constamment envoûtant, intemporel et raffiné et cet abîme de détresse infinie devant lequel on se retrouve planté lorsque la dernière mesure, superbe, s'est envolée. "Omnio" est de la race quasiment éteinte des albums qui vous placent devant un choix draconien. Soit vous l'ignorez gentiment et vous ne vous en porterez peut-être pas plus mal, soit vous succombez et alors il faudra tôt ou tard refondre, ne serait-ce que légèrement, votre éthique de consommateur, genre vous poser de nouvelles questions lorsque vous voudrez acheter tel ou tel album… Is this the Omnio I've been searching for ?…

Uriel : 100% (Juin 2002) (il n'y a peut-être qu'Allah qui soit parfait, mais qui a dit qu'il n'y avait rien au-dessus de la perfection ?)



Back