Maudlin Of The Well - "Bath"/"Leaving Your Body Map"
USA - 2001 - Dark Symphonies - 60'54/60'56

"Bath" :
1. The Blue Ghost / Shedding Qliphoth - 7'57
2. They Aren't All Beautiful - 5'36
3. Heaven And Weak - 7'42
4. (Interlude 1) - 1'38
. The Ferryman - 7'50
6. Marid's Gift Of Art - 3'41
7. Girl With A Watering Can - 8'44
8. Birth Pains Of Astral Projection - 10'34
9. (Interlude 2) - 2'12
10. Geography - 5'00

"Leaving Your Body Map" :
1. Stones Of October's Sobbing - 7'25
2. Gleam In Ranks - 4'16
3. Bizarre Flowers / A Violent Mist - 9'35
4. (Interlude 3) - 4'17
5. The Curves That To An Angle Turn'd - 8'22
6. Sleep Is A Curse - 5'37
7. Riseth He, The Numberless - 4'17
8. … - 5'11
9. (Interlude 4) - 5'10
10. Monstrously Low Tide - 6'46

Line-up : (instruments au choix)
Jason Bytner
Byron
Toby Driver
Maria-Stella Fountolakis
Sam Gutterman
Greg Massi
Terran Olson
Josh Seipp-Williams

Ça fait un sacré moment que je repousse une éventuelle chronique de ce mastodonte. Et même aujourd'hui, alors qu'il me semble avoir digéré la volumineuse somme de musique contenue dans ce double-album, je ne suis pas tout à fait certain de par où commencer, ou de quels mots employer… Parce que voyez-vous, ces Américains atypiques ne sont pas de ceux qui rendent les choses faciles, que ce soit pour le journaliste ou pour le commun des métalleux. J'ai eu pendant un certain laps de temps le cul entre deux chaises, me demandant s'il était judicieux de splitter cette chronique en deux (une pour chaque CD - évidemment…). Et puis en fin de compte, "Bath" et "Leaving Your Body Map" me sont apparus si étroitement liés qu'à leur écoute consécutive on suit en quelque sorte le cours d'un drame longue durée entrecoupé d'épisodes burlesques. Qui plus est, si on jette un œil aux artworks à la fois simples et énigmatiques, il saute aux yeux qu'un album emmène au suivant et vice-versa, une sorte de cycle sans conclusion palpable. Le facteur le plus ardu à surmonter est l'apparente absence de logique dans le tracklisting, de liens tangibles d'une chanson à l'autre - mais j'ai probablement tort si l'on interroge les artistes. L'exemple le plus proéminent de cette instabilité est à rechercher au cœur de "Leaving Your Body Map", lorsque l'on saute d'une ballade paisible pilotée par une mélodie presque enfantine ("Sleep Is A Curse") à un titre massivement épique à l'ouverture grandiloquente et aux assauts Death Metal sans merci ("Riseth He, The Numberless"). Euh… C'est le même groupe ? se demande-t-on alors légitimement. Le fait est que MAUDLIN OF THE WELL est une bête élastique et pluricéphale qui n'a pas peur de jongler avec les répertoires. Une tentative précautionneuse de capturer leur musique à l'aide de références connues donnerait à peu près le cocktail suivant : une tranche d'OPETH, une larme d'ANATHEMA et de MY DYING BRIDE Bride, une cuillère à thé de SMASHING PUMPKINS (j'y reviendrai avant de me faire lapider), le tout relevé avec une sorte de soundtrack de Thriller flippant et quelques errances bluesy - il est notoire que le groupe nie toute influence Jazz dans leur son, donc "Blues" est encore ce que j'ai trouvé de plus approchant, sachez simplement que vous trouverez trompettes et saxophones le long du chemin, et pour être franc suffisamment de textures anarchiques qui rappellent les interactions de fortune propres aux Jazz. MAUDLIN OF THE WELL couvrent sans cesse leurs propres traces, et c'est en fait le plus gros "reproche" que l'on pourrait faire à leur musique. Le cours de l'album change de direction si souvent et si radicalement à chaque voyage qu'apprécier l'album à tête reposée est quasiment impossible. Attention, les breaks insoupçonnés et autres structures extra-terrestres sont plus que bienvenues chez moi, sans parler des comportements "expérimentalistes" fleurissant dans bien des esprits de nos jours - car virtuellement érigés en facteurs inévitables d'une précieuse démarcation par rapport à d'autres groupes - qui rendent possibles les idées les plus impensables, comme la perspective d'une ouverture d'orgue isolée à la J.S. Bach ("The Ferryman"). Ceci étant, cette propension à la singularité est dans le cas qui nous occupe exceptionnellement large, de sorte que l'action - après tout une composante suprême de la vitalité d'un album - tend à être dissipée et ralentie par les innombrables virages à 180°. Enfin peut-être ma sensibilité musicale n'est-elle pas assez mature pour pouvoir apprécier une telle ambition sémaphorique dans toute son envergure créatrice. Après tout, tout ce dont j'ai besoin est d'une atmosphère, d'une essence, et cette essence, que ce soit sur "Bath" ou "Leaving My Body Map", sent à plein nez la dilution à travers une variété inconcevable de dissolvants, la plupart du temps inattendus, parfois inopportuns. Les passages que l'on peut qualifier de "Metal", et qui couvrent à tout casser 4% du temps de jeu, sont en sus suffisamment psychotiques et asymétriques pour faire passer un chef d'œuvre d'OPETH pour un monstre de simplicité en contraste. Ceci dit, je suis persuadé que MAUDLIN OF THE WELL trouveront leur freaks parmi les réfractaires aux modèles préconçus et les enthousiastes des collages / expérimentations déviants. Le travail vocal se fonde également sur une amplitude vertigineuse au niveau de la diversité, vous trouverez les growls gutturaux typiques dans la veine des premiers SEPTIC FLESH, couplés avec des hurlements absolument démentiels qui ajoutent une touche sérieusement dérangée (était-ce indispensable ?). Puis les vocaux clairs (masculins comme féminins) sont aussi variés qu'on peut se l'imaginer, je me permets d'insister sur la voix masculine très soft type berceuse qui devrait montrer à pas mal d'apprenti chanteurs la marche à suivre vers la progression. Pour revenir sur ce que j'ai affirmé plus tôt, certaines chansons (ou segments de chansons) font curieusement remonter à la surface de ma mémoire l'album marathon des SMASHING PUMPKINS "Mellon Collin And The Infinite Sadness" (encore un double-CD, comme par hasard…) : il s'agit des parties les plus ultimement atmosphériques qui voyagent à travers la tête comme une dérive sans fin, où les vocaux semblent se déconnecter de toute ligne mélodique prédéfinie et ne sont plus là que comme des signaux subliminaux qu'il y a toujours de la musique en train de tourner dans le lecteur. Malgré tous mes efforts il n'y a aucun moyen de me souvenir après-coup comment ces chansons sonnaient. Pourtant elles ont un indéniable effet relaxant, ce qui était exactement la situation avec l'album ci-dessus de la bande à Bill Corgan… …Et à présent je vais arrêter les babillages que personne ne va se faire chier à lire de toute façon. Tous les amis d'un Metal atmosphérique et techniquement très au-dessus de la moyenne, complètement en dehors des sentiers battus, sont invités chaudement à posséder ces albums, ne serait-ce que pour le coup de décorer leur CD-thèque avec une excellente curiosité. Et je suis bien content d'en avoir terminé avec cette chronique !

Uriel : 75% (Juillet 2002)



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