Nocte Obducta - "Schwarzmetall (Ein Primitives Zwischenspiel)"
Germany - 2001 - Grind Syndicate Media / Nuclear Blast - 54'31
1. Fick Die Muse - 5'14
2. Die Schwindende Glut - 7'40
3. Schwarzmetall - 2'19
4. Die Hunde Des Krieges - 9'38
5. Unglüklich Wer Die Wahrheit Erkannt - 11'08
6. Die Wälder - 4'56
7. Gemälde Derer, Die Schieden - 13'36

Line-up :
Torsten H. : vocals
Marcel Va. Traumschänder : guitars, vocals, bass & keyboards
Sathonys : bass
Matthias R. : drums
Steffen Emanon : keyboards, vocals

La discographie de NOCTE OBDUCTA a cela de particulier qu'elle nous parvient à contretemps et pas forcément dans le bon ordre. C'est ainsi que l'album "Galgendämmerung", qui paraîtra en 2002, était déjà depuis longtemps dans la boîte lorsque les enregistrements de "Taverne" (2000) ont été effectués. La raison de ce gentil foutoir est apparemment étrangère au groupe lui-même, qui ne s'en offense pas vraiment et continue de créer, la preuve avec ce "Schwarzmetall" qui sur le calendrier fait figure d'entremets mais qui est en fait la composition la plus récente du groupe. Cet album, entièrement écrit, joué et mixé en l'espace de trois semaines, est le fruit d'une crise monumentale de ras-le-bol envers les éternelles tentatives de comparaison avec AGATHODAIMON, dues à certains membres communs. Masterisée en mono, la musique remonte les sources du Black Metal jusqu'à son expression la plus primitive, tout en gardant le doigté insolent propre au groupe. "Schwarzmetall", disons le clairement, est un album magnifiquement ignoré de l'ensemble de la scène, un état de fait qui ne fait que confirmer l'approche aveugle et groupusculaire des adhérents du "true" Black Metal, qui répugnent à tout ce qui ne souscrit pas à une caste idéologique donnée. Peu importe, les gens ne savent pas ce qu'ils perdent… Car voilà un authentique manifeste de monotonie haineuse qui montre les crocs à tout se qui s'approche dans un périmètre auditif serré. L'album s'ingère en effet avec effort plus qu'il ne se déguste, car il demande de passer par une vallée de ténèbres peuplée de sons hostiles et de cris infâmes avant d'avoir peut-être la chance de déceler quelque atmosphère à peine plus relâchée, une larme de synthés ou un des très rares solos perforants à émerger parmi les riffs bestiaux et lancinants, une courte étape avant de devoir replonger la tête dans une bassine d'acide noir et corrosif. Tout le savoir-faire du groupe est ici mis au service de constructions instinctives et hermétiques à tout compromis - frénétiques ou pondérés comme une marche funéraire, les morceaux savent se limiter à l'habillage primordial et, contrairement à ce que le groupe démontre dans son style "habituel", ne font aucune place aux virages rythmiques ou à tout autre assaisonnement imprévisible. Râpé comme un parmesan, le chant (doit-on vraiment souiller ce terme en en qualifiant les abjections vocales qui hantent l'album ?) résonne au loin comme les implorations d'un condamné au garrot qui éjecte ses poumons dans un ultime râle d'agonie. Des morceaux interminables et paralytiques tels que "Gemälde Derer, Die Schieden" peuvent tourner au supplice intolérable si l'on n'est pas d'humeur à se les enfiler de A à Z, comme ils pourront vous coller un rictus sadique sur le visage toute la sainte journée. La production reste très professionnelle et garantit à chaque instrument un espace sonore à la hauteur, mais elle est néanmoins adaptée aux desseins de la musique, ce qui exclut de polir et d'enjoliver quoi que ce soit. La laideur doit prédominer et foncièrement laide sera l'image que l'auditeur emportera de l'écoute. "Schwarmetall" est la preuve que se lancer volontairement dans une entreprise primitive n'exclut pas de le faire avec discernement et respect pour les précurseurs. Moins résolument anti-mélodique que le "Mystical Beast Of Rebellion" de BLUT AUS NORD, mais aussi plus compact et opulent que n'importe quel DARKTHRONE, "Schwarzmetall" me fait songer dans son écriture et l'intensité qui s'en dégage aux vieux GORGOROTH, et puisqu'on en est aux références il s'élève pour moi au même niveau de qualité que le "Nattestid" de TAAKE, étant la pourriture séculaire du terrier d'un prédateur là où ce dernier respire l'air glacial et gorgé de brume de la forêt au-dessus. NOCTE OBDUCTA signent là involontairement avec ce coup de maître spontané leur meilleur album, surtout si l'on considère que ce sera probablement leur unique incursion dans ce genre, chasse gardée d'une faune à œillères qui ne saurait accepter l'outrage ainsi perpétré par une bande de "gothiques" d'oser marcher sur leurs plates-bandes…

Uriel : 90% (Juin 2002)



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