Nocte Obducta - "Taverne (In Schatten Schäbiger Spelunken)"
Germany - 2000 - Grind Syndicate Media / Nuclear Blast - 41'53
1. Hexer (Verflucht) - 5'49
2. Prinzessin Der Nachtschatten - 7'01
3. Die Ratten Im Gemäuer - 4'47
4. November - 13'08
5. Taverne - 1'13
6. In Erinnerung Dn Herbststürme - 9'55

Line-up :
Torsten H. : vocals
Marcel Va. Traumschänder : guitars, vocals, bass & keyboards
S. Magic M. : guitars
Sathonys : bass
Matthias R. : drums
Steffen Emanon : keyboards & vocals

NOCTE OBDUCTA est un sextet formé en 1995 à l'initiative de Marcel Traumschänder afin d'exsuder l'essence du Black Metal germanique augmentée d'une riche brochette de mélodies choisies. Longtemps amalgamés pour un side-project d'AGATHODAIMON à cause de la présence de Sathonys à la basse et de Matthias R. aux fûts, ils s'affirment à l'orée du troisième millénaire avec cet album qui fait suite à un "Lethe (Gottverreckte Finsternis)" à tirage très limité et sevré de reconnaissance. La reconnaissance justement, NOCTE OBDUCTA ne la rechercheront ni ne l'obtiendront, et ce malgré une licence Nuclear Blast. Trop accessibles pour les puristes, trop rêches pour le nouveau public Black, ils sont l'un de ces groupes qui se démènent entre deux eaux, attirent l'une ou l'autre curiosité mais ne parviennent à fidéliser qu'un très petit nombre de gens derrière leur démarche, ce qui est éminemment dommage au vu de la ressource impressionnante de leur répertoire. On commence donc avec ce "Taverne", effort conséquent auquel d'aucuns rendront justice en le qualifiant de l'un des meilleurs d'un cru Black Metal 2000 assez décharné. Pour aller jusque-là en ce qui me concerne, il eut fallu que l'ensemble de l'album se maintienne au niveau des deux premiers titres. "Hexer (Verflucht)" et "Prinzessin Der Nachtschatten" appartiennent en effet au contingent de ce qu'il n'est pas scandaleux d'appeler les "tubes" de l'underground. La recette en est éprouvée mais imparable, il s'agit de jouer sur l'alternance de parties principales rapides à l'habillage austère et de highlights stratégiques, soit des plages lentes et mélancoliques gavées de synthé et de pleurs de guitares, soit d'accroches sulfureuses telle que la séquence d'ouverture du second titre qui, dès la première fois où je l'ai écoutée, m'a semblé se dérouler de façon idéale comme si c'était moi-même qui concevait en temps réel cet enchaînement de mélodies Dark-Metalliques simples mais monstrueusement prenantes. Comme beaucoup de leurs congénères, NOCTE OBDUCTA affectionnent les renversements de cadence brutaux, et en profitent pour placer de gros pilonnages de basse façon Thrash, arme fatale pour les cervicales. Certains ont assez injustement vu en eux des CRADLE OF FILTH du nécessiteux, ce qui en regard de leur thématique gothico-morbide est compréhensible, sauf que si l'on considère que CRADLE OF FILTH dépeignent des cimetières fantasmagoriques au parfum de salon de thé saturé de velours factice, NOCTE OBDUCTA, pour leur part, vous jetteront impitoyablement le nez dans la fange putride d'une fosse commune oubliée au clair de lune. Et personnellement je n'ai pas à hésiter deux secondes pour savoir quel air je préfère respirer. Inquiétants dans leurs dièses, inarrêtables dans leurs cavalcades et énigmatiques dans leurs sinistres sérénades acoustiques, NOCTE ODUCTA ressuscitent l'ambiance glauque outrancière mais somme toute angoissante des vieux films de série Z à la George Romero. Le chant en allemand, éraillé et incisif, contribue à rendre l'ensemble péremptoire et résolument inamical, une autre preuve que NOCTE OBDUCTA n'éprouvent pas le besoin de caresser le métalleux dans le sens du poil et n'ont aucun complexe à aiguiser les angles de leur musique. Si le cœur de l'album ("Die Ratten Im Gemäuer", inspiré d'une nouvelle de Lovecraft, et "November") est moins emballant de par son aspect désordonné et dépourvu de ces saillies ingénieuses, le titre final "In Erinnerung An Herbststürme" invoque de nouveau l'orage, insistant sur le volet symphonique. Rien que la splendide ouverture au piano montre que le préposé à cet instrument est à-même de produire plus d'une note ou d'un frivole accord à la fois. L'entrée en action des guitares est graduelle et la sauce est lancée à la suite d'un hurlement à lacérer la voûte des cieux nocturnes. L'ouragan est alors en marche et il n'y a plus qu'à se baisser pour récolter à peu près tout ce que l'on est en droit d'attendre d'un Black Metal symphonique de race, avant que le morceau ne retombe dans un ultime crépuscule lent et invertébré accompagnant une sortie de scène dérobée qui ne peut que donner l'eau à la bouche en vue des réalisations à venir. Un album prélude à une période de création faste pour le groupe, qui dispense une indiscutable leçon de beauté succubesque et de noirceur perverse, et se devrait à ce titre d'occuper une place de choix sur les étagères de toute créature de la nuit qui se respecte. Ecoutez intelligent, essayez "Taverne" !

Uriel : 80% (Juin 2002)



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