Thergothon - "Streams From The Heavens"
Finland - 1992 - Avantgarde Records - 41'00

1. Everlasting
2. Yet The Watchers Guard
3. The Unknown Kadath In The Cold Waste
4. Elemental
5. Who Rides The Astral Wings
6. Crying Blood And Crimson Snow

Line-up :
Niko Sirkiä : vocals
Mikko Rutsalainen : guitars
Sami Kaveri : guitars
Jori Sjöroos : drums & vocals

Attention groupe et album ultra cultes ! Mais méfiance, je préfère prévenir tout de suite, THERGOTHON ne fait pas dans la dentelle, il n'y a donc que peu de chances que le groupe s'attire les faveurs d'un public de non-initiés comme c'est le cas pour SHAPE OF DESPAIR. Vous l'aurez compris, THERGOTHON officie dans le Funeral Doom (ou plutôt officiait, le groupe ayant splitté après leur démo très sobrement intitulée "Fhtagn-Nag Yog-Sothoth" (merci H.P. Lovecraft) et cet unique album, pour renaître sous le nom de THIS EMPTY FLOW et pratiquer un style complètement différent…). Mais la particularité de THERGOTHON se situe sur trois points majeurs. Premièrement, le plus frappant, l'extrême gutturalité de la voix de Niko Sirkiä. Ses growls sont tellement bas et raclés dans sa gorge, qu'on a vraiment le sentiment d'entendre un son absolument inhumain, issu tout droit des abysses où des créatures puissantes et maléfiques attendent leur heure pour régner… Deusio, la lenteur extrême de la musique. Il peut parfois se dérouler quelques secondes entre un coup de grosse caisse et le coup de charley qui suit ! Cette situation plonge l'auditeur dans une enivrante léthargie - un ennui mortel diront les moins réceptifs -, et crée une atmosphère de vide très angoissante et dépressive. La dépression, parlons-en… La troisième grosse particularité de THERGOTHON est de plonger sa musique dans un bain de tristesse et de désolation tellement "réaliste" et tellement en phase avec son concept basé plus ou moins sur le Mythe de Chtulhu, qu'il met au tapis la plupart des autres groupes du genre, et les auditeurs avec. Mais ces différences, qui distinguent THERGOTHON des autres groupes du même styles ne sont pas les seuls éléments à faire de ce "Streams Of The Heavens" un album majeur. Les riffs sont très inspirés, mélodiques mais malsains, joués par des guitares accordées très bas et au son assez peu travaillé. En effet la production est plutôt mauvaise, mais comme cela arrive parfois par accident, ceci n'altère en rien la qualité des compositions de THERGOTHON, bien au contraire. La production plutôt "roots" ajoutée aux quelques errements dans la mise en place (difficile d'être carré quand on joue sur un tempo inférieur à 40 BPM…) sont deux éléments qui donnent un charme supplémentaire au disque, parce qu'il y gagne une âme, issue de jeunes gens ayant décidé d'enregistrer l'album le plus lent et dépressif possible sans en avoir le bagage technique nécessaire, ni les moyens financiers. C'est d'autant plus touchant, que ce disque est une véritable réussite artistique. Inspirée et profondément sombre, difficile d'accès, dépouillée mais profonde et méditative, la musique de "Streams From The Heavens" se veut être expérimentale de par son jusqu'au boutisme et son extrémisme dans l'exploitation des stigmates du Doom, pied de nez à la scène Death de l'époque, qui proposait une surenchère de violence brute, de technique et de rapidité d'exécution. Mais une fois le premier barrage passé - parce ces mélodies arides et désolées rebutent, au début, ainsi que les grondements inhumains sortis de la gorge de Sirkiä -, il n'est pas difficile de se laisser emporter dans le monde de THERGOTHON, où vous aurez l'honneur et le plaisir/déplaisir de rencontrer les Grands Anciens et de marcher à travers des étendues où nul n'a posé le pied avant. Les morceaux se ressemblent tous mais il faut considérer "Streams From The Heavens" comme une unité indivisible, même si "Yet The Watchers Guard" - meilleure pièce de l'album à mon goût - se détache un peu du lot. Un album - ou peut être L'ALBUM - de Doom ultime, planant, froid, sombre, et… génial. Le seul bémol que j'apporte à ma chronique pour le moins dithyrambique - lui coupant l'herbe sous le pied pour la note maximale, et même le podium -, est que la réputation du groupe et de l'album est sans doute un peu surfaite, parce que ce dernier n'a pas enregistré d'autres albums, et a obtenu une reconnaissance posthume, et ce culte si particulier qu'on accorde aux groupes disparus. Il va sans dire que cet album est unique en son genre, et surtout qu'il est fondamentalement bon. Mais peut être est-il surestimé si on considère que des groupes tels que EVOKEN ou SKEPTICISM créent des albums d'un très haut niveau également, dans un style presque similaire et avec un savoir-faire désormais plus affirmé. A signaler qu'une réédition est sortie en 2000 chez Eibon Records dans un superbe packaging. Idem pour la démo l'année précédente, remasterisée et gratifiée d'un sublime digipack.

Huggy : 90% (Avril 2002)



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